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Affronter la complexité et les problèmes irréductibles avec le Design Thinking

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Ce billet est la seconde partie d’un article sur le Design Thinking co-écrit avec Ralph-Christian Ohr (@ralph_ohr). Vous pouvez en lire la première partie ici.

Note préliminaire: le français n’offre pas de traduction satisfaisante pour le terme «wicked problem», tel que défini par Horst Rittel. Certains auteurs proposent «problème tortueux» ou «problème faiblement structuré». Mais le premier est trop uni-dimensionnel, et le second présuppose une approche «classique», reposant sur une recherche de structure, des problèmes. Je leur préfère la notion de «problème irréductible», qui me semble plus proche du sens original (pensez aux «irréductibles Gaulois» d’Astérix).

Le monde dans lequel nous vivons devient de plus en plus complexe. Dans différents domaines de notre vie, tels que le business, l’environnement, l’économie, etc, des systèmes complexes impliquent un nombre toujours plus importants d’éléments en interaction. Les interactions humaines, en particulier, sont non-linéaires et résultent en des comportements littéralement imprévisibles. Une des conséquences majeures de cette complexité est que nous devons faire face à des problèmes de plus en plus irréductibles. Dans un billet intéressant, Ted Cadsby remarque que (je traduis):

«La caractéristique d’un problème irréductible est qu’il ne peut être réduit à la résolution d’une cause unique. La complexité naît de l’interaction entre les choses: la manière dont les parties d’un système interagissent à travers des mécanismes de feedback sophistiqués. Les signaux dont nous avons besoin pour donner du sens sont enfouis sous le bruit, et, malheureusement, nous ne sommes pas doués pour la chasse aux indices. Nous avons été conditionnés, tant par des milliers d’années d’évolution que par nos routines quotidiennes, à tirer des conclusions rapides en sélectionnant des relations de cause à effet simples et linéaires. Cette approche fonctionne bien avec des problèmes simples tels qu’assurer le gîte, le couvert et le sexe, ou traverser une rue animée. Mais nous vivons maintenant dans un monde où des causalités à multiples variables et non linéaires se cachent sous la surface de nos perceptions immédiates, et divergent vers différentes interprétations possibles».

Les problèmes irréductibles sont qualifiés de «divergents» en opposition aux problèmes «convergents». La définition d’un problème «domestique» («tame» en anglais), même très compliqué est: bien compris et offrant une solution. Plus on l’étudie, plus les diverses solutions convergent, tôt ou tard. Un problème divergent n’est pas bien défini et n’offre pas forcément de solution. Plus il est étudié, et plus les gens aboutissent inévitablement à des solutions et des interprétations différentes. Le processus de résolution d’un problème domestique est supposée être fondamentalement linéaire, comprenant une succession d’étapes aboutissant à une solution ou une issue souhaitée. Dans un environnement complexe, même la compréhension commune d’un problème ne peut être considérée comme acquise. Nous ne connaissons pas ce que nous ne connaissons pas.

La question se pose de savoir comment aborder de tels problèmes irréductibles, émergents de systèmes complexes, de manière adéquate. Suggérons trois «piliers» qui semblent cruciaux dans ce contexte:

L’expérimentation

À des contextes complexes et des problèmes irréductibles répond une approche expérimentale. Parce que l’issue est imprévisible, les personnes en charge de prendre des décisions doivent se concentrer sur un environnement duquel de bonnes choses peuvent émerger, plutôt que d’essayer de forcer des résultats prédéfinis. Ceci s’accompagne d’une tolérance pour l’échec et la faculté de se retenir d’imposer l’ordre. Il est essentiel de laisser des motifs émerger et de déterminer lesquels sont utilisables. Chaque expérience dévoile de nouveaux aspects du problème, impliquant des ajustements de la solution proposée. Au lieu de trouver «la bonne solution», il s’agit d’associer étroitement la compréhension du problème et la solution induite depuis le début, et de procéder par explorations successives.

La diversité et l’intelligence collective

Les problèmes irréductibles impliquent naturellement une diversité d’intervenants, chacun avec sa propre perspective et interprétation. Etant donné que beaucoup de monde se sent concerné ou a un avis sur la manière dont le problème doit / peut être résolu, le processus de résolution d’un problème irréductible est fondamentalement social, et résoudre un problème irréductible est fondamentalement un processus social. Une compréhension partagée s’avère être un prérequis pour affronter des problèmes irréductibles. Il est pour cela nécessaire que chaque intervenant comprenne la position des autres afin d’avoir des échanges constructifs à partir de leurs différents points de vue sur le problème; et de mettre à profit l’intelligence collective et holistique, plutôt qu’individuelle et fragmentée, afin de le résoudre.

Une approche interprétative

À problème irréductible correspond en général une incertitude radicale, c’est à dire bien plus que l’incapacité à prédire quelle option, parmi un certain nombre de propositions, s’avèrera préférable. Il n’existe aucune compréhension partagée du problème, et le contexte s’avère si complexe que même les issues possibles sont inconnues. Et en l’absence d’une solution définie, aucune méthode analytique de résolution de problème ne peut s’appliquer en fractionnant le problème en un ensemble d’éléments dissociables qui puissent être confiés à différents spécialistes. Selon Lester et Piore (“Innovation – The Missing Dimension“), une approche interprétative est en cas indiquée. Cette approche ne s’attache pas à résoudre des problèmes ou à négocier entre des intérêts contradictoires, mais à initier et guider des conversations entre des individus et des groupes. Les personnes impliquées se frayent un chemin à travers l’ambiguité et construisent un sens partagé. Au cours de ce processus, les participants apprennent à se connaître les uns les autres, et eux-mêmes, mieux qu’avant. C’est un processus ouvert permettant l’émergence d’insights et de nouveauté.

La distinction entre approche analytique et approche interprétative détermine deux manières différentes de comprendre les équipes:

  • Perspective analytique: les équipes sont formées et reformées de différents membres possédant des compétences requises particulières
  • Perspective interprétative: les équipes peuvent être des groupes organiques qui développent au fur et à mesure leur propre langage commun et leur propre compréhension, et deviennent plus grands que la somme de leur compétences

Ces «piliers» renvoient aux éléments constitutifs d’une approche complexe et adaptative du Design Thinking, telle qu’esquissée dans la première partie de ce billet:

La complexité ne rend pas caducs les processus et modèles actuels du business, mais affaiblit de plus en plus leur efficacité et leur pertinence. Afin d’être prêtes à affronter la complexité et l’irréductibilité croissantes, les organisations doivent mettre ces piliers en place. Le leadership est nécessaire pour insuffler des directions, plutôt que donner des objectifs, et pour faciliter le développement d’une culture où l’expérimentation, l’ambiguité et la tolérance à l’incertitude sont valorisées.

L’ambiguité devrait être reflétée dans la structure des organisations elle-même, parce que les problèmes irréductibles surviennent souvent «à la marge». Même si déconnectés de la structure opérationnelle principale, des espaces dédiés à la collaboration, à l’empathie et à la conversation doivent être mis en place. Ces espaces permettent la transformation de perspectives différentes, subjectives, en un savoir et une compréhension collectives. De plus, il est indispensable d’éduquer et d’engager des individus appropriés, capables de suivre cette approche et d’exprimer leur potentiel dans un tel environnement collaboratif.

En conclusion:

La complexité croissante requiert une transformation dans notre manière d’aborder les problèmes. Alors que la résolution des problèmes classiques est hautement analytique, résoudre des problèmes irréductibles peut s’apparenter à une approche orientée design. En combinant expérimentation, diversité et collaboration interprétative, la subjectivité des intervenants individuels peut être transmutée and insight partagé. Le Design Thinking, sur la base de ces éléments, offre un réel potentiel en tant qu’approche sociale d’utilisation de l’intelligence collective.

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